Par quoi remplacer les essences que l’on sait dès aujourd’hui susceptibles de disparation ? C’est maintenant qu’il faut faire des choix dont on ne connaîtra la pertinence que dans 50 ou 100 ans ! Cette perspective ne doit pourtant pas créer d’angoisse ; il y aura toujours de la forêt de par chez nous. Dans le pire des cas, la nature se chargera de remplacer elle-même les arbres devenus incapables de survivre. On sait que le sapin et l’épicéa sont les espèces les plus menacées par le réchauffement climatique. La question est d’essayer de savoir de quoi sera composée cette nouvelle forêt et comment seront remplies les quatre fonctionnalités évoquées plus haut.
Le rôle social demeurera probablement, même si le vert des paysages ne sera plus celui des sapins et des épicéas. En revanche, les trois autres fonctions risquent d’être fortement impactées. La prévention des catastrophes n’est pas garantie, d’autant que la forêt, soumise à des sécheresses intenses et peuplée d’essences « inflammables », peut devenir elle-même source de catastrophe. La fonction économique, quant à elle, devra s’adapter pour tenir compte de ce que la forêt fournira localement. Terminé les charpentes en sapins et le bois d’œuvre en épicéas! En parallèle à cela, les besoins en bois seront possiblement plus importants qu’aujourd’hui. L’introduction grandissante de ce matériau dans la construction par exemple, devrait se poursuivre tant les bénéfices en matière de captation du carbone, entre autres, ne sont plus à démontrer. Le chêne remplacera-t-il les résineux comme en plaine ?
La forêt s’accommode du relief karstique. Bois de la Motte, 6 juin 2014 .
Face à ces changements, ce sera bien aux différents intervenants dans la transformation de ces bois de s’adapter et les évolutions des peuplements seront suffisamment lentes, malgré tout, pour que cette adaptation soit possible. En revanche, ce qui peut favoriser cette mutation, c’est la mise en synergie de tous.tes les acteur.ices : propriétaires, publics et privés, entreprises de travaux forestiers, scieur.euses, acteur.ices de la deuxième transformation. Le rôle possible d’une collectivité territoriale comme la Ville de Pontarlier, compte tenu du poids qu’elle représente avec ses 1 065 hectares, est de favoriser, de promouvoir même cette synergie.
En dernier lieu, on voit bien que c’est de la fonction écologique de la forêt dont dépend la pérennité des autres fonctionnalités. Une solution, quelquefois légitimement avancée, serait de laisser faire la nature pour laisser cet écosystème forestier s’adapter aux changements à venir. Il est vrai que certaines essences, comme le sapin, se re-sèment facilement toutes seules. On peut donc espérer qu’une auto-adaptation conduira à une évolution résiliente naturelle. L’activité humaine n’aurait plus qu’à suivre ! Reste à imaginer dans ce cas que les productions naturelles conserveraient un intérêt économique et même social. Des espèces dominantes pourraient peut-être même réduire la diversité des essences. C’est un scénario envisageable, cependant il nous semble que l’Homme ayant un jour commencé à intervenir dans les forêts, il doit continuer à le faire, mais à le faire différemment, en tirant des leçons des conséquences actuelles des erreurs passées en matière de gestion forestière. Aujourd’hui, l’enjeu consiste à diversifier les essences feuillues (hêtre, érable, tilleul) et résineuses plus méditerranéennes et à changer de modes de peuplements. En effet, on sait maintenant que les forêts gérées en futaie irrégulières ou jardinées résistent mieux aux maladies et aux parasites. Même si le dépérissement lié aux sécheresses ne les épargne pas nécessairement, une diversité d’essences et d’âges liée à une richesse de sous-bois est aujourd’hui un choix de sylviculture robuste. En revanche, si ce choix n’est pas retenu et que l’Homme ne propose pas de nouvelles plantations, au moins doit-il intervenir pour permettre à la lumière de jouer pleinement son rôle dans le développement de cette diversité. En effet, en l’absence de toute intervention, il est à redouter que les plus grands arbres captent toute la lumière et empêchent aux plus jeunes de pousser et d’assurer la relève. Des prélèvements sont donc nécessaires en tenant compte du nouveau contexte.
Parmi les interventions humaines en forêt la chasse reste un domaine très controversé. En l’absence de prédateurs naturels des grands mammifères, particulièrement le cerf, il apparaît nécessaire, pour en réguler la population, d’en « prélever » de façon régulière. Il est exact que les dégâts qu’il peut provoquer, notamment sur les jeunes arbres, peuvent mettre en péril l’équilibre et la bonne santé des écosystèmes forestiers où ils sont présents. (https://www.onf.fr/onf/+/5a4::cerfs-chevreuils-sangliers-trop-de-grand-gibier-nuit-aux-forets.html) La chasse apparaît donc comme un moyen de cette régulation. Le poids des fédérations de chasseurs est susceptible d’avoir baissé depuis le 1er janvier 2020, et la création de l’Office Français de la Biodiversité, établissement public regroupant l’Agence française pour la biodiversité et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Il faut souhaiter que cet office parvienne à imposer un usage partagé des espaces forestiers (journées de tranquillité ?) et conduise à une meilleure gestion cynégétique, par exemple par la suppression du nourrissage des bêtes sauvages, notamment l’agrainage des sangliers. À défaut d’une régulation naturelle de certaines espèces d’animaux, la chasse peut y contribuer à condition qu’elle soit plus respectueuse de la nature.
Selon nous, il reste enfin à tester, avec mesure, de nouvelles essences que l’on pense plus résilientes. Faisons confiance aux scientifiques et aux technicien.nes et, pourquoi pas, proposons notre participation à des programmes de recherches dans ces domaines.